Derrière les usages fluides du numérique, une réalité invisible s’impose : les data centers consomment massivement. Ils fonctionnent 24h/24, 7j/7. Ils abritent nos mails, nos outils cloud, nos IA.
En 2023, ces infrastructures ont absorbé 1,3 % de l’électricité mondiale, soit plus que certains pays européens entiers (source : IEA, 2023). En France, ils concentrent 14 % de l’empreinte carbone du numérique (source : Arcep, 2023).
Ce constat n’est plus réservé aux experts : il bouscule désormais les conseils d’administration. Parmi ceux qui ont choisi d’agir en amont, Sébastien Van Moere, fondateur de H&DC, accompagne les entreprises dans une démarche exigeante : mettre en cohérence performance numérique et responsabilité environnementale. Leur approche est claire : mesurer l’impact réel des infrastructures IT, y compris celles qui sont externalisées ou éclatées, pour permettre aux dirigeants d’en reprendre le contrôle stratégique.
Le paradoxe est là : on parle de “numérique vert”, mais on ne regarde pas ses fondations. Peut-on encore dissocier transformation digitale et transition écologique ? La réponse est non. Le temps des arbitrages est venu. Et c’est aux dirigeants de les prendre.
Les data centers, angle mort du pilotage carbone
La plupart des comités exécutifs pilotent déjà leurs émissions liées à la production, aux transports ou aux achats. Mais peu ont une cartographie claire de leur infrastructure numérique. Pourquoi ?
Parce que les data centers sont souvent externalisés, répartis, invisibles. Parce que la responsabilité est confiée à l’IT, rarement rattachée aux enjeux ESG. Et parce que, historiquement, le numérique n’a pas été pensé pour être sobre, mais pour être rapide et scalable.
Pourtant, l’alerte est là. Si rien ne change, la part des data centers dans la consommation mondiale d’électricité pourrait tripler d’ici 2030, pour atteindre près de 8 %. Ce n’est pas soutenable.
Un enjeu stratégique pour les comités exécutifs
La décarbonation des data centers ne relève plus de la technique. Elle devient un sujet de direction générale.
Ce qui change :
- CSRD : dès 2025, les grandes entreprises devront publier leur impact carbone complet, y compris celui de leurs services numériques externalisés (Scope 3).
- Taxonomie verte, notation extra-financière, pression client : tous les signaux convergent.
- Surcoût énergétique : les data centers non optimisés deviennent un centre de coûts instable et opaque.
Ce qui compte :
- Les preuves.
- La capacité à prioriser.
- L’alignement entre discours RSE et infrastructure réelle.
Sébastien Van Moere : l’approche du terrain
Peu d’acteurs combinent expertise IT et vision durable. C’est ce qui distingue Sébastien Van Moere.
Ingénieur, stratège, il intervient auprès des entreprises pour repenser la structure numérique à la racine. Pas avec des promesses, mais avec des chiffres. Il s’appuie sur une méthode simple : mesurer, optimiser, transformer.
Dans un projet mené en 2023 avec un groupe industriel, il a permis une réduction de 42 % de l’empreinte carbone des data centers en 24 mois, sans impact sur les performances métiers.
Trois leviers concrets pour agir
- Piloter l’efficience énergétique
L’indicateur de référence est le PUE (Power Usage Effectiveness).
Un bon data center affiche un PUE < 1,3. La moyenne mondiale est à 1,55 .
Des outils simples permettent de réduire ce ratio : IA pour le refroidissement, consolidation des serveurs, éviction des machines en sous-charge.
- Revoir l’approvisionnement électrique
Les certificats d’énergie verte ne suffisent pas.
Les acteurs sérieux misent sur des PPA (Power Purchase Agreements) ou sur l’autoproduction. Microsoft, par exemple, alimente certains de ses data centers uniquement via des parcs solaires dédiés.
Mais au-delà de l’électricité, il faut penser intensité carbone du mix énergétique local. Installer un data center en Suède ou en Pologne ne produit pas les mêmes effets.
- Repenser l’architecture et la localisation
Tous les usages ne justifient pas un cloud centralisé.
L’edge computing, les micro-data centers, la mutualisation régionale sont autant de pistes viables.
Et la récupération de chaleur est un levier sous-estimé : à Rennes ou à Paris, certains projets alimentent déjà des réseaux de chauffage urbain grâce à la chaleur des serveurs.
Décarboner les data centers, ce n’est pas un projet IT. C’est une décision stratégique. Il faut sortir du pilotage aveugle. Intégrer les infrastructures numériques dans les politiques climat. Travailler avec les bons experts. Exiger des preuves. Et donner un cap.